Le Choeur des Maux

Publié le par LaPorteBleue - Danièle Antoniotti

Je suis là, inerte, bloquée par cette douleur qui me cisaille le dos…

Oh ! Mon dos… tu me fais mal… non ce n’est pas toi qui me fais mal…

Je peux à peine bouger… respirer… penser…

Je suis folle de rage… ma rage est folle…

Je me sens malade, inutile et sans force…

Comme si après des années de combat je m’écroulais harassée…

Mais suis-je vaincue ? Ai-je gagné la bataille ? Comment le savoir ?

A bout de souffle je m’écroule… j’ai peur…

Lève-toi nom de dieu ! Lève-toi !

Même les coups ne pourront rien y faire…

Je n’arrive pas à bouger… je voudrais mais je n’y arrive pas…

Écrire m’est difficile, je m’impose une souffrance supplémentaire afin de pouvoir dire…

Quand n’aurais-je plus mal au cœur et au corps ? Mes yeux se ferment… non ! Encore un instant… un instant… je ne vous force pas à regarder le mal, je vous force à regarder une dernière fois ce que nous ne regarderons plus…

Le regard des regards…

Je suis folle de rage ! J’ai tenu tant d’années… pourquoi faiblir maintenant ? J’ai besoin de mes forces maintenant ! Allez lève-toi carcasse ! Ne me lâche pas !

Oh ! Et puis… qui te blâmerait pauvre corps, de ne plus vouloir bouger… tant de cordes t’ont lié, tant de postures t’ont gêné, tant de nuits sans sommeil t’ont harassé…

Mais j’ai besoin de toi ! Hé ! On nous aime maintenant ! On aura droit au repos, aux caresses, à l’amour ! Hé ! Corps ! Met toi en éveille… rien qu’un peu… fait moi signe… j’ai envie de t’aimer… reste avec moi…

On est amochés mais on vit !

On va lui casser la gueule ! On va lui faire regarder sa propre douleur en face, on n’aura même pas besoin de bouger, de respirer le même air…

J’ai envie qu’il crève à force de regarder… que son propre mal le ronge comme de l’acide… que ses os usés se disloquent… que sa peau tombe en lambeaux…

Que sa chair fonde pour laisser apparaître toute sa laideur, sa puanteur, son impuissance…

Qu’il s’étouffe par ses propres déchets ! Que sa vie l’avale, le broie…

Ne vois-tu pas le changement de saison qui approche charogne ?

Tes disciples les rapaces te tournent autour…

Ils t’attaqueront de dos… comme les traîtres qui sont ta propre famille…

Ils rentreront leurs griffes dans ta peau nauséabonde…

Le pue de ta souffrance s’écoulera… tes larmes ne laveront pas ton âme non elles t’engloutiront… tes yeux verront… telle une scène interminable… en boucle la roue de ta propre torture oui ! les vautours tournent autour de toi… inlassablement…

Je te regarderai mourir, installée confortablement je serai… dans mon amour. Mon corps te regardera, ma tête te tuera.

Tu meurs déjà un peu…

La douleur de l’amour… celle que j’aime… je la partagerai avec mon maître… le seul, l’unique… je n’ai toujours eu que lui comme maître… je l’attendais… il me fait jouir de vivre… ivre de jouir… je lui appartiens… il me pénètre de toute son âme… je m’ouvre à ses désirs…

C’est moi qui parle ? J’ai tant de haine à déverser ?

Je me suis reposée… dans ton lit… notre lit…

Cette rivière où tout coule… si naturellement… l’eau est si pure…

Oh ! Mon amour… toi seul calme mon chagrin… ma douleur… toi seul me transforme en patience et persévérance…

La douleur… l’heure douce… l’or doux…

Je suis immobile pour mieux regarder le chemin que je dois poursuivre… je suis immobile pour mieux marcher vers toi… vers nous…

Je rêve souvent… du passé… je rêve de l’avenir… oui… mais je vis le rêve que jamais je n’aurais osé rêver…

Es-tu un rêve mon amour ? Mes rêves parlent, je parle… endormie… éveillée…

L’autopsie de ma mémoire révèle une île inconnue… je veux être ton île… explore-moi…

Tu crées en moi le désir de tes désirs… tu me délivres des maux qui font mal… du mal qui font des mots…

Tu m’apprends le langage de la création…

Je veux mêler ma langue à la tienne afin d’inventer notre langage… celle de notre mère… l’amour…

Notre mère nous a élevés l’un sans l’autre, mais… l’un vers l’autre… nous avons grandi tels deux jumeaux séparés… mais le cordon nous lie… mon lien... notre lien… celui qui a jamais nous unit…

Tu es mon frère, mon maître, mon mari…

Je souhaite que nos deux sangs ne deviennent qu’un… pour n’être qu’un seul corps… un seul corps… vivre au battement de tes émotions… être ton émotion… je t’aime… je suis lasse… je vais me reposer… il a été si long le chemin jusqu’à toi… si long… tes bras étaient si loin… je t’appelais mais tu ne m’entendais pas… comme il a fallu souffrir pour te découvrir…

Publié dans Textes... création

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J
<br /> <br /> bonjour Danièle ! parfois les mots arrivent à calmer certains maux  et en les couchant sur le papier tout devient plus limpide !  belle journée à toi !!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Super ton blog !!<br /> <br /> <br /> <br />
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