l'absinthe de l'absence...

Publié le par Laportebleue - Danièle Antoniotti

Bistrot Boulevard Beaumarchais…

Je suis fatiguée… café, écrire, peu, pas grand chose, les mots mes amis quand je me sens seule.

Des mots pour le dire, pour fuir, pour guérir, grandir, mourir ou renaître on s’en fout faut les écrire.

Près de moi, attablés, deux fils et leur mère… enfin peut-être, je pense, j’imagine…

La mère, (la mère ?) une valise à ses pieds… une vieille valise démodée et peu utilisée, neuve mais usée par les années.

Peut-être vient-elle de sa province où son jardin sent la nostalgie des culottes courtes de ses garçons ? La maison… rien n’a changé… je pense… j’imagine… la chambre des garçons… tout est resté… ils ont l’air gênés tous les trois, la distance du temps les a rendu timides… les 2 frères se retrouvent, ils trinquent à la Leff…

J’imagine…. D’où vient-il ce fils ? Le Canada ? Un fils voyageur venu à Paris et l’autre ? Entrepreneur…j’imagine… qui entreprend de se  plonger dans ce qui dérange… les rencontres comme celles-ci ? Avec Maman (maman ?) où le cœur déborde d’émotion et de nausée…

Cigare et bière, sourires crispés, les bras croisés… tu te rappelles ? Tu te rappelles ?

Oui je me souviens, mais je ne veux plus me souvenir car cette femme est notre mère ? Et Papa ? je ne veux plus les voir… et pourtant j’aimerais tant les voir, les reconnaître, renaître une seconde fois pour les aimer comme je les ai aimés.

Ses rides, sa peau sèche le paradoxe de ses larmes qui ont tant coulées sur ses joues creusée par l’absence… l’absence… essence alcoolique de notre douleur… l’absinthe pourrait-on dire ? La sainte absence ?

 

Maman savoure ce moment… pour quel événement sont-ils réunis ? je pense, j’imagine…Le fils revient du Canada… où sont les peaux de castors ? Maman n’y tenait plus, seule depuis la mort de papa ? Retrouver la chair de sa chair… elle va mourir ? Voulait-elle pincer ces joues une dernière fois ? Ou tout simplement un arrêt dans un bistro après le boulot et après chacun chez soi ?

Les fils ont réussi… maman est ravie… mais comme il est loin le temps des goûters de tartines beurrées… beau cliché n’est-ce pas ? Figé dans une mémoire inexistante, l’odeur des tartines… merci Proust… merci auteurs à la  hauteur de notre envie de vivre ce que nous voulons ou ne voulons pas vivre.

Ecrivains ! Alpinistes du Mot et des Monts et démons… des monts et merveilles comme cette femme au regard vermeil qui sommeille dans ses souvenirs d’enfants qu’elle ne verra plus grandir car il est temps de partir…

 

Publié dans Textes... création

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article